Louise Katz
16 nov. 2023
C'est donc LA question que tout le monde nous pose : journaliste narrateur·ice, médias partenaires, spectateur·ices empêché·es, personnes curieuses de notre médias, mais n'ayant pas la chance d'habiter à Rennes. Et la réponse est toujours la même quel·le que soit notre interlocuteur·ice : Non, pas de captation. Et on y tient ! Alors pourquoi donc s'acharner à ne pas faire quelque chose que tout le monde vous réclame ? On a de très bonnes raisons pour ça et je vais vous en donner trois.
ASSURER UNE LIBERTÉ DE PAROLE SEREINE
Pendant un spectacle d'information 3 Ours, la ou le journaliste est libre de raconter ce qu'elle ou il souhaite. Bien sûr son récit a été soigneusement préparé avec l'équipe éditoriale, mais une fois sur scène c'est bien la ou le journaliste qui porte son récit. Nous trouvons qu'assumer un récit intime dans lequel la ou le journaliste accepte de raconter les coulisses de son travail, ses doutes déontologiques, parfois les choix qu'elle ou il regrette devant 300 personnes, pour une, deux ou parfois même trois représentations, c'est déjà beaucoup ! Comme le disait avec beaucoup de pertinence, la journaliste Nora Bouazzouni, dans l'un de ses posts, les retransmissions filmées limitent la liberté d'expression des journalistes qui se retrouvent exposé·es à des semaines ou des années de potentiel cyber-harcèlement. L'absence de captation assure donc aux journalistes que nous faisons monter sur scène une parole publique sereine. Et ça nous tient beaucoup à cœur.
LES LIMITES DE LA CAPTATION
Une autre raison, c'est que la captation de spectacle vivant, bah c'est très très compliqué. Soit on pose une caméra côté public, on filme et... ça ne rend généralement pas très bien. Soit on organise des représentations conçues pour être filmées. Cela facilite le travail de prise de vue et permet de réaliser un véritable film de la représentation (ce que n'est pas une captation fixe)... L'inconvénient de ce dispositif c'est qu'il manque un acteur majeur : le public. Personnellement, je suis passionnée de théâtre et je trouve toujours le résultat décevant et pas du tout à la hauteur du plaisir que je peux éprouver quand j'assiste pour de vrai à un spectacle. De la même façon, assister à un concert ou regarder une retransmission live à la télé sont deux expériences assez différentes... Et dans tous les cas, filmer un spectacle représente un coût de production supplémentaire qui n'est pas négligeable et pas nécessairement facile à monnayer (encore plus si le résultat ne rend pas compte de la qualité du spectacle).
POUR UNE EXPÉRIENCE COLLECTIVE DE L'INFORMATION
Enfin, même la meilleure des captations ne saura jamais retransmettre ce qui fait véritablement l'intérêt de l'information vivante : ce qu'il se passe dans la salle. Aucune captation ne pourra vous faire ressentir l'émotion de votre voisin, le rire de votre voisine, l'ambiance qui parcourt les rangs et se fait ressentir dans cet impalpable qui nous relie les uns et les unes aux autres. Aucune captation ne pourra davantage montrer les hochements de tête approuvant une question posée pendant le débat ou la joie de personnes concernées à l'écoute du ou de la journaliste. Et c'est très bien. Parce que c'est ça l'information vivante : un moyen de vivre l'information collectivement et pas seul·e face à son écran.
Pour ces différentes raisons, tous nos spectacles commencent par un générique qui comporte toujours la phrase suivante " Veuillez éteindre vos portables et ne rien enregistrer du spectacle. Ce qui se dit dans cette salle reste dans cette salle". Et on va continuer.