Louise Katz
2 nov. 2025
Ces dernières années, les événements d'information sur scène se sont multipliés en France, à tel point que cette nouvelle façon de faire vivre l'information s'est imposée comme l'une des tendances médias du moment. Bien évidemment, la nécessité ou l'envie des médias de faire événement ne date pas d'hier. Marine Slavitch, journaliste en charge de la newsletter de Médianes, avait déjà mis un coup de projecteur sur cette tendance en... 2021 ! Preuve s'il en est besoin qu'il s'agit d'une tendance qui s'ancre durablement dans le paysage médiatique et prend une ampleur de plus en plus grande.
Il y a les médias qui ont choisi de n'exister que (ou quasi exclusivement) sous forme événementielle ou théâtrale, comme Live Magazine, Médiavivant, Diario vivo (en Espagne) ou... Les 3 Ours ! Mais au-delà de ces trois initiatives, de nombreux médias, locaux comme nationaux, quotidiens, hebdos ou trimestriels, spécialisés ou généralistes, se sont intéressé et même mieux essayé à une expérience d'information sur scène.
DES INITIATIVES MULTIPLES ET VARIÉES
L'initiative avait surpris, amusé ou enthousiasmé... En février dernier, l'hebdomadaire La Tribune de Lyon rachète un théâtre lyonnais de premier plan : la Comédie Odéon. C'est la première fois qu'un média rachète un théâtre. Le projet est né de la lassitude des équipes de voir leurs contenus de moins en moins visibles par le jeu permanent des mises à jour d’algorithmes. Pour contrer efficacement cette invisibilisation inévitable, le directeur François Sapy fait le pari de la diversification par l'information vivante pour créer un lien direct avec le lectorat de La Tribune de Lyon grâce à une programmation régulière d'information sur scène. Les premiers spectacles sont envisagés pour mars 2026 et les 3 Ours ont très hâte de voir ce lancement.
Au-delà de cette initiative singulière, les médias, quelle que soit leur taille, sont de plus en plus nombreux à tenter l'expérience. Parfois en se faisant accompagner par les médias sur scène spécialisés. Libération a ainsi fait confiance à l'équipe du Diario Vivo pour construire son spectacle Libé s'la raconte, dont la première édition a eu lieu en 2024 pour l'anniversaire du journal et la seconde se jouera dans quelques jours (voir l'agenda plus bas !). La Croix s'était tourné vers les équipes du Live Magazine pour l'organisation d'un spectacle d'information dans le cadre d'une campagne de financement participatif. De leur côté, Les 3 Ours travaillent également à des synergies, en construisant leurs spectacles en partenariat. Cette année, Les Jours, La Revue Dessinée et Reporters sans frontières.
Il arrive également que les médias se lancent seuls. Le webmagazine culturel de la région de Montpellier, Lokko, a lancé avec succès ses événements. Le média d'investigation local Grand Format à Caen a lui aussi organisé pour son lectorat une "Gazette sur scène". Enfin, le trimestriel La Déferlante pour le lancement de son numéro "S'informer en féministe" en septembre dernier avait également fait le choix pour sa soirée du journalisme sur scène.
DE L'INFO SUR SCÈNE, POUR QUOI FAIRE ?
Autant d'initiatives qui, même si elles restent souvent des "one-shot" sans régularité, attestent de l'attrait général pour la formule. Un attrait qui ne devrait pas faiblir, bien au contraire. Dans un monde où l'on nous promet de passer environ 15 ans de nos vies devant les écrans, le journalisme vivant fait figure d'alternative salvatrice, si l'on en croit les mots de Cyrille Frank, journaliste analyste des grandes tendances médiatiques, dans sa newsletter écrite pour Minted : "Face à un monde de plus en plus dématérialisé, distant, asynchrone et synthétique, nous sommes en quête de réel, d’authenticité et d’expériences collectives qui nous reconnectent à la société".
Seul frein au développement de l'information vivante : le financement. Encore et toujours lui. Le théâtre, au contraire de l'écrit sur papier ou sur le web, n'est pas reconnu comme support médiatique à part entière. Les projets de médias vivants ne bénéficient donc pas des aides à la presse. Ils ne profitent pas non plus des aides du spectacle vivant : construits sur des temps très courts, le plus souvent pour des représentations uniques, les spectacles d'information ne rentrent pas dans les cases de l'aide à la création. Gageons que son développement, sa généralisation et son absolue nécessité pour restaurer la confiance dans les médias, changent bientôt la donne.